mercredi 5 mars 2008

Patriote ou pas, telle est la question…
[05 Mar 2008]

«Glory to thee, Motherland O motherland of mine, Sweet is thy beauty, sweet is thy fragrance…» L’hymne national, Sylviola le connaît par cœur. En anglais mais également en français. C’est que malgré son jeune âge, tout juste 13 ans, la jeune fille a une longue expérience de cet hymne. Car comme tous les enfants mauriciens, dès le préscolaire, on le lui a enseigné.

Ce qu’on lui a dit aussi, c’est que le 12 mars prochain, le pays célébrera ses 40 ans d’indépendance et qu’être un pays indépendant, c’est «important». Important d’accord, mais pourquoi ? Ça, par contre, elle ne le sait pas. Et elle n’est pas la seule dans ce cas-là…

Dans quelques jours, le pays célébrera ses 40 ans d’indépendance. Une grande célébration nationale sera organisée au Champ-de-Mars. Comme «la première fois», il y a 39 ans. Aboobakar Moossa s’en souvient. A l’époque, il était planton au bureau du Premier ministre. «C’est moi qui distribuais les invitations pour les célébrations», raconte Aboobakar. S’il habite aujourd’hui «à côté» du Champ-de-Mars, il n’a pas pour autant l’intention d’assister aux célébrations de cette année. «Ene fet koman ti ena sa fwa la, pa pou ena ankor sa», soutient le vieil homme. Et ce malgré les promesses faites par le ministre des Arts et de la Culture : que ceux qui rateront cette fête «pou ratt boku dan zot lavi».

Et pourtant, l’homme se dit «patriote». Mais est-ce faire preuve d’antipatriotisme que de ne pas se rendre à ces fêtes organisées à grands frais pour «célébrer» l’Indépendance ? Et est-ce vraiment les patriotes qui se déplacent ou bien ceux qui le font profitent-ils tout simplement d’une fête gratuite ? Pour Aboobakar Moossa, participer à un de ces «tam tam», ce n’est pas être patriote. Loin de là. Lui, qui a connu cette «lutte» pour l’Indépendance, la célébrera chez lui. Tranquillement. Aboobakar a bien l’intention de faire flotter le quadricolore sur sa terrasse. Car de l’Indépendance de son pays, il en est fier. Mais il ne fera rien de plus. Pour ce retraité, célébrer l’Indépendance ne se limite pas à «fêter». «Aujourd’hui, les jeunes ne sont pas patriotes. Quelques jours avant le 12 mars, vous les voyez s’activer pour les préparatifs et après ? Zot fer li pou ene lamizman plis ki par patriotism», déplore le vieil homme.

Joanne, la petite vingtaine, vendeuse de vêtements, partage également cet avis. Tant sur les fêtes que sur le patriotisme. «L’Indépendance ? Cela ne représente absolument rien pour moi. Ou à part peut-être un jour de congé. Ces fêtes-là, cela ne m’intéresse pas. On dépense de l’argent pour rien», s’insurge la jeune femme. Mais peut-on passer sous silence l’Indépendance ? «Non. Bien sûr que non. Il faudrait tout simplement faire davantage dans la simplicité. Marquer le coup mais avec sobriété», précise Joanne. Une sobriété que Dhiraj Rawa, agent de sécurité, compte illustrer en faisant flotter le quadricolore sur sa terrasse. «Nous le faisons chaque année. C’est une tradition pour montrer à tout le monde que nous aimons notre pays. Que nous sommes patriotes», explique Dhiraj. Deux semaines durant, il affichera son patriotisme…


Chanson à la mode

Patriote, Divya Goodary dit l’être également. Et le 11 mars, quand se fera le lever du drapeau dans les maternelles, écoles et collèges du pays, est-ce que Divya ira au collège ou imitera-t-elle bon nombre de collégiens et restera-t-elle à la maison ce jour-là ? «Certainement pas.»

Contrairement à ses camarades de classe, la jeune fille de 16 ans a bien l’intention de se rendre au collège, mardi prochain. «C’est important de célébrer l’Indépendance. C’est une fierté pour le pays», soutient Divya qui, samedi, chantera à la fête organisée par le Conseil de district du nord à Goodlands. Pas l’hymne national, non. Une chanson plus à la mode. Une chanson de la chanteuse française, Nadiya.

Ces jeunes qui délaissent la cérémonie du 11 mars dans les écoles pensant que «ce n’est pas important», sa mère, Indurani, professeur dans un collège de Goodlands, y est confrontée chaque année. Ce qui ne fait que conforter son impression que les jeunes ne sont «pas tellement patriotes».

«Pour pouvoir appartenir à un pays, il faut que tout le monde soit uni. Au collège, je vois que les hindous s’asseyent d’un côté, les catholiques d’un autre. Déjà à l’adolescence, les jeunes sont divisés. Chacun a tendance à se dire que ce n’est pas son pays mais le pays de l’autre. Cela m’inquiète. S’ils réagissent de cette façon, comment vont-ils diriger le pays ? Il faudrait les amener à aimer le pays et à se respecter mutuellement !»

Un long chemin à parcourir…

Valérie OLLA

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