samedi 30 juin 2007

RAPPORT UNODC 2007 Consommation d'opiacés

Maurice passe de la 3e à la 2e place mondiale


De la troisième place sur l'échiquier mondial à la deuxième : c'est le classement de Maurice en matière de consommation d'opiacés (héroïne, opium, brown sugar, morphine…) et le triste constat de l'édition 2007 du World Drug Report publié annuellement par l'United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC). Dans la même catégorie, notre pays conserve sa première place pour la région de l'Afrique de l'Est, alors qu'en matière de consommation de cannabis (gandia), Maurice figure à la troisième place.
Il y a 2 % de prévalence au sein de la population active (15 à 64 ans) mauricienne en matière de consommation d'opiacés (héroïne, opium, morphine, brown sugar). La pole position est occupée par l'Iran, avec une prévalence estimée à 2,8 %. En 2006, l'Iran occupait déjà la pole position avec un pourcentage de 2,8 et le Kirghizstan figurait en seconde place avec 2,3 %. Dans le World Drug Report 2005, notre pays arrivait en quatrième position, après l'Iran, le Kirghizstan et la Russie.
En ce qui concerne la région de l'Afrique de l'Est, Maurice conserve sa première place avec une prévalence de 2 % contre 0,2 % pour le Kenya et la Somalie, et 0,1 % pour le Rwanda. L'année dernière, notre île, qui n'est pas productrice d'opiacés, était déjà première avec les mêmes chiffres. En 2005, en revanche, Maurice, toujours première avec une prévalence de 2 %, était suivie du Kenya et du Maroc, avec 0,2 %. Le Rwanda figurait en cinquième position avec 0,05 %.
Outre dans la catégorie de la consommation des opiacés, le rapport du bureau des Nations unies sur la drogue et le crime mentionne Maurice dans la catégorie de consommation de cannabis (gandia). En effet, notre île figure en troisième place avec une prévalence de 3,9 %, contre 9,1 % pour Madagascar et 4 % pour le Kenya. Si en 2006, ces mêmes chiffres étaient publiés dans le rapport des Nations unies, en revanche, dans l'édition 2005 du document, Maurice occupait la première place pour la consommation de cannabis avec une prévalence de 7,2 %, devant le Kenya, avec 4 % et les Comores, avec 2,9 %.
Le World Drug Report établit une base de données sur la production, le trafic, la consommation et les saisies de drogues dans le monde entier. Le rapport est divisé en sections, les drogues étant classifiées par catégories : opiacés, cocaïne, cannabis, amphétamines et ecstasy. Le document offre une analyse chiffrée sur le plan mondial mais aussi une étude détaillée et chiffrée par régions du monde. Ce rapport évoque en outre les changements de mode et les routes des réseaux des trafics selon les types de drogues dans le monde. Ces données sont soumises annuellement par les différentes autorités des États du monde entier (organisme responsable du traitement, de la prévention, la police, entre autres). Un questionnaire uniforme, le ARQ (Annual Report Questionnaire) est envoyé par les bureaux de l'UNODC à ces différents partenaires mondiaux pour recueillir ces données.
Le World Drug Report est traditionnellement présenté le 26 juin de chaque année, date à laquelle le monde observe la Journée Internationale de la lutte contre la drogue et le trafic des stupéfiants. Chez les travailleurs sociaux qui œuvrent sur le terrain, un sentiment de lassitude et d'impuissance prévaut dans le sillage de la publication de ce dernier rapport. D'aucuns reconnaissent que, dans son ensemble, la force policière a la volonté de collaborer avec les travailleurs sociaux dans le combat contre la drogue et fait déjà ses preuves. Mais à défaut de moyens, d'effectifs et d'équipements, et de par certaines lacunes légales, par lesquelles les trafiquants arrêtés bénéficient de remise en liberté ou de "protections", leur marge de manœuvre est conséquemment réduite. La responsabilité et le rôle prépondérant de l'État sont aussi vertement critiqués ; le manque de volonté politique pour combattre le trafic de drogue, qui prolifère, est déploré.
Réactions

D. Philippe : " Chiffres ou pas, la situation se détériore "
" Le dernier rapport de l'UNODC vient certainement confirmer ce dont nous, les travailleurs sociaux, sommes témoins chaque jour sur le terrain ", affirme Danny philippe, du Centre de Solidarité. " Et cela, irrespectivement des régions, car la drogue est désormais présente partout. Les problèmes d'insécurité, de vols et de violences actuels sont directement liés à la drogue.
La consommation augmente rapidement, mais le plus inquiétant, c'est le nombre de très jeunes qui prennent des drogues. Au Centre de Solidarité, nous accueillons majoritairement des ados de 16-18 ans, des étudiants, qui sont déjà accrocs. Certains réussissent à décrocher et reprendre leurs études. Mais le mal est fait et les résultats en témoignent.
La prévalence du gandia est très grave. Le cannabis, et donc, pour nous, le gandia, est l'une des drogues illégales les plus consommées dans le monde par les jeunes. Certaines personnalités font l'apologie du gandia, et parlent même de légalisation et prônent une consommation " modérée ". Toutes les nouvelles études réalisées sur la question viennent confirmer que le cannabis, quelle que soit son mode de consommation, réfléchi ou pas, est nocif pour la santé. Il est prouvé que la prise de gandia provoque même des cancers et dès un jeune âge chez les sujets. Et comment parler de légalisation, quand pour ce qui est de l'alcool et la cigarette, déjà, les autorités n'arrivent plus à contrôler leurs ventes auprès des mineurs ! C'est de la folie ! "
I. Dhannoo : " Il est grand temps de réagir ! "
Pour Imran Dhannoo, directeur du Centre Idrice Goomany, " c'est mauvais pour l'image de Maurice que nous soyons sortis de la troisième place pour atterrir à la deuxième ! Ce n'est pas un honneur pour le pays ni personne. Ces chiffres ont été soumis par l'État mauricien. Donc, il ne s'agit pas de chiffres frelatés ni faussés ! Les chiffres à partir desquels a été réalisé ce présent rapport sont des données émanant de 2003. Or, si on avait pris les chiffres des années suivantes, la situation aurait été catastrophique ! Peut-être même que nous aurions été premiers dans le monde ! Ce constat ne doit pas être considéré comme une critique envers telle autorité ou organisme d'état, comme la Natresa. Il révèle surtout que la drogue, qu'il s'agisse des opiacés ou du gandia, est très accessible dans le pays ".
C. Rungen : " Le rapport confirme nos dires "
" Ce n'est ni réjouissant ni une fierté ! ", affirme Cadress Runghen, du groupe A de Cassis. " C'est une opportunité pour toute la nation, politiques, société civile, institutions religieuses, chaque citoyen, de se sentir interpellé par ce grave problème, qui désormais touche les plus jeunes. Quand je parcours les rues de Cassis et les autres quartiers de la capitale, je vois en réel ce que dit ce rapport. Je vois des enfants de 10 à 14 ans sniffer de la colle, se piquer, boire de l'alcool, pour ne dire que cela. Ce rapport vient confirmer ce que nous, travailleurs sociaux, dénonçons régulièrement. Il ne doit pas être considéré comme un reproche à telle institution ou telle personne. C'est l'occasion de nos efforts et se dire que si on a combattu le chikungunya, pourquoi ne pouvons-nous pas en faire de même avec la drogue ? Cependant, le combat est inégal. D'un côté, les soldats qui militent ne sont qu'une poignée. Ce sont les mêmes qui, depuis 30 ans, se battent contre la drogue dans ce pays. Les jeunes s'engagent, mais ponctuellement. Ils ne restent pas pour assurer une relève permanente. De plus, face à notre minorité et notre manque de moyens pour combattre le trafic, les trafiquants ont évolué. Fini le temps où l'on pouvait nommer les trafiquants. De nos jours, tout le monde peut être un dealer ! Le profil des vendeurs de drogue a changé. On sera surpris d'apprendre que des gens bien vus dans la société sont trempés dans le trafic. Donc, la partie est inégale. "

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